mercredi 28 novembre 2007

Rentrée judiciaire : BONNE GOUVERNANCE ET LUTTE CONTRE LA CORRUPTION, MÊME COMBAT !

Les dérives constatées dans la gestion des fonds et biens publics procèdent de l'inobservation des règles de saine gestion et de la non application des sanctions, juge le chef de l'État.

La rentrée des Cours et tribunaux s'est déroulée hier lors d'une cérémonie solennelle présidée par le chef de l'État, Amadou Toumani Touré. Toute la famille judiciaire était réunie au Centre international des conférences en compagnie des membres du gouvernement, des présidents des institutions de la République, des représentants du corps diplomatique accrédité dans notre pays et de nombre d'invités.Le thème de cette année -"Rôle du juge des comptes dans la bonne gouvernance"- a expliqué la présidente de la Cour suprême Mme Diallo Kaïta Kayentao, atteste de la volonté des pouvoirs publics et de la famille judiciaire de faire de notre pays un havre de paix et de prospérité. Bref une cité harmonieuse et épanouie où il fait bon vivre.

Pour Mme Diallo Kaïta Kayentao, ce thème va permettre d'apprécier l'état de la bonne gouvernance dans notre pays à travers des analyses pertinentes. La bonne gouvernance, a-t-elle relevé, est primordiale dans la restauration d'un environnement de paix favorable à la productivité, à la création d'emplois, à la réduction de la pauvreté. Le concept inclut la gouvernance politique, économique, sociale, administrative, précisera-t-elle en soulignant le caractère essentiel de la corrélation entre démocratie et gouvernance pour assurer l'investissement de l'État.

Mme Diallo a, en outre, souligné l'importance du rôle des juges des comptes dans la gestion des ressources publiques en précisant que leurs compétences s'exercent aussi sur tous ceux qui reçoivent des subventions de l'État. Elle a noté à ce propos que la section des comptes de la Cour suprême a, dans un récent rapport, révélé plusieurs cas de mauvaise gestion et des transactions frauduleuses.

PASSIVITE DES UNS, CUPIDITE DES AUTRES :

Dans son exposé, le rapporteur Mamadou Moriba Diarra, conseiller à la Cour suprême, souligne la pertinence du thème "Rôle du juge des comptes dans la bonne gouvernance" car il colle à l'actualité et correspond aux fondements de la démocratie dans un État. La bonne gouvernance correspond à une gestion rigoureuse des ressources publiques. Dans le cas contraire on parlera de mauvaise gestion. Ce concept, précisera Mamadou Moriba Diarra, est caractérisé par la mise en œuvre de politiques sociales et économiques mal conçues conduisant au mauvais fonctionnement de l'État et instaurant la corruption, une des conséquences nocives de la mauvaise gestion.

Malheureusement, constatera Mamadou Moriba Diarra, notre pays est aujourd'hui confronté à ce phénomène qui a envahi tous les secteurs et toutes les activités socioprofessionnelles et politiques. Malgré le combat engagé depuis 1960 à nos jours, la corruption persiste du fait de la passivité des uns et la cupidité des autres qui ne permettent pas la manifestation de la vérité, remarquera Mamadou Moriba Diarra en soulignant combien le mal gangrène car "seuls les menus fretins sont attrapés et les gros poissons écartés".

Il a ainsi relevé que la Section des comptes de la Cour suprême a contrôlé des dépenses non justifiées lors des élections générales de 1997-1998 et 2002 d'un montant de plus de 2,289 milliards Fcfa.Malgré tout, a indiqué le rapporteur, notre pays a obtenu de bons points en matière de bonne gouvernance qui se sont traduits par un soutien accru des institutions financières à l'investissement depuis l'avènement de la démocratique en 1991. A titre d'exemple, il constatera que le budget spécial d'investissement est passé de 186,62 milliards Fcfa en 2002 à 258,035 milliards en 2006.

Le pays a aussi vu ses dettes multilatérales annulées à hauteur de 1085,2 milliards Fcfa par la Banque mondiale, la Banque africaine de développement et le Fonds monétaire international.Pour sa part, le procureur général près de la Cour suprême, Cheickna Dettéba Kamissoko, a expliqué que le rôle de la Section des comptes est déterminant dans la sécurisation des ressources publiques par des approches pédagogiques sur certains aspects, mais aussi par des sanctions dans d'autres. La section, en dépit de handicaps majeurs, joue une part importante dans la consolidation de l'État de bonne gouvernance dans notre pays, notamment la vérification des comptes des partis politiques, le contrôle de la gestion des opérations électorales, a-t-il assuré.

UN CHANGEMENT DE COMPORTEMENT

Dans son allocution, le Bâtonnier de l'ordre des avocats, Seydou Ibrahim Maïga, a peint un tableau sombre de l'état de la bonne gouvernance dans notre pays. De son point de vue, les règles de gestion des ressources humaines au sein de l'administration publique avec l'avènement de la démocratie sont de moins en moins orientées vers la recherche de la qualité. Il a souhaité que la culture de l'excellence reprenne tout son sens pour restaurer l'efficacité du service public. La mauvaise organisation des élections est une autre tare dénoncée par le bâtonnier qui a aussi pointé la dégringolade du taux de participation et l'inflation des coûts d'organisations des élections pour que des leçons soient tirées.

Si notre pays s'est doté de structures pour assainir les finances publiques, la pratique est toute autre, juge l'avocat. "Les missions traditionnelles des unes, constate-t-il, sont parfois reprises par les nouvelles structures, les unes marchant sur les plates bandes des autres. Souvent on a tendance à ne plus savoir qui doit faire quoi". Pour Seydou Ibrahim Maïga la lutte contre la dilapidation des fonds publics ne peut pas se résumer en la production de rapports dont la consistance laisse parfois à désirer et sans suite aucune.

Après avoir cerné l'importance du thème, le chef de l'État a estimé que les dérives constatées dans la gestion des fonds et biens publics procédaient de l'inobservation des règles de saine gestion et de la non application des sanctions. Selon Amadou Toumani Touré, un changement de comportement et de mentalité s'avère indispensable, tant de la part du juge que du justiciable. Si, du point de vue du premier magistrat de la République, la qualité de notre gouvernance et de notre démocratie est appréciable, il faut cependant s'attaquer aux points d'insuffisance mis en exergue, reconnaître nos faiblesses et les corriger.

Il a, à ce propos, confirmé sa détermination à conduire des actions pour permettre à la juridiction financière d'accomplir ses missions. Cette volonté, relève le chef de l'État, s'est déjà exprimée à travers l'accroissement des effectifs et le renforcement des moyens de la Section des comptes de la Cour suprême. Pour le chef de l'État, la lutte contre la corruption et la délinquance financière interpelle tous les dignes fils du pays.

"Tout le monde parle de corruption, mais personne n'a peur de détourner un bien de l'État. Il faut qu'il y ait une prise de conscience à tous les niveaux pour que la bonne gestion des ressources de l'État soit une réalité", a-t-il préconisé. Toujours à propos de la corruption et de la délinquance financière, le président Touré estime qu'il est temps de coincer "les gros poissons" tout en évitant de faire du spectacle. Il y va de l'intérêt de tous quand on sait que l'État perd toujours ses procès contre les particuliers ou personnes morales. Ce qui lui coûte des milliards, a-t-il déploré.

Source: Essor

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