mercredi 28 novembre 2007

OTAGES DU NORD L'équation et les hypothèques

Le retour de la paix et de la quiétude dans le nord de notre territoire n'est plus entre les seules mains de l'Etat malien. Celui-ci, du moins à travers son chef, le général Amadou Toumani TOURE, est contraint de s'en référer à l'Algérie voisine, le seul pays à la lisière du Sahara qui peut se permettre toutes les coudées dans cette forme d'irrédentisme-là qui compromet plus que jamais l'existence de notre pays en tant que nation.

Le Président Amadou Toumani TOURE a effectué, le week-end dernier-, une visite d'Etat de deux jours à Alger. Il a pu conférer avec son homologue algérien, le Président Bouteflika qui revient d'une longue convalescence. Naturellement, entre les deux hommes d'Etat, il n'a été question essentiellement que de la revue des problèmes relatifs à la coopération et surtout à la sécurité de la frontière commune de nos deux pays, avec en point de mire l'épine que constitue l'équation Bahanga, du nom de ce " bandit armé " qui, depuis plus d'une centaine de jours, nargue superbement l'autorité de l'Etat et détient des soldats maliens en otage.

A la lecture des différentes déclarations à l'issue du voyage présidentiel confrontée aux informations relayées par des sources plus ou moins bien introduites, on peut être tenté a priori de dépeindre tout sous le signe de l'optimisme, mais bien d'écueils restent encore sur le chemins de la libération des otages et plus généralement du retour de la paix au Nord-Mali.

CE QUI EST ACQUIS
A l'issue de la visite d'Etat de 2 jours du président ATT à Alger, il est apparu que l'Accord d'Alger, signé depuis le 4 Juillet 2006, entre le Gouvernement du Mali et l'Alliance Démocratique pour le Changement, reste le seul cadre de référence pour la gestion de la crise qui sévit dans la région de Kidal. Les parties prenantes ne font en cela que confirmer leurs volonté et engagements antérieurs.

L'Algérie confirme son soutien à cet Accord signé sous sa coupe. Le Mali pourra bénéficier de l'accompagnement de l'Algérie à cet effet.

Pour être concret, les deux pays sont d'accord pour la constitution de patrouilles mixtes. L'Algérie s'engage aussi à effectuer des actions de développement social (écoles, centre de santé, forages) dans la zone. Le principe de l'unité et de l'intégrité du territoire malien est aussi admis. L'Algérie semble avoir écarté toute idée de dislocation de l'ensemble malien et l'aurait fait savoir à ses protégés. La libération des otages aussi été réaffirmée en même temps que le dialogue. Le dialogue sera, d'après le président ATT, " l'instrument de la solution " autant que possible il reconnaît quand même le rôle et l'importance de la force, au cas où... Aussi, l'idée de l'organisation d'un forum impliquant les Etats de la bande sahélo-saharienne avancée par ATT semble avoir été acceptée. Il reste que le menu, les contours et l'agenda de cette rencontre ne sont pas connus encore.

II ne faut cependant pas se hâter, car la lecture de la situation et l'interprétation des intérêts sont complexes. L'harmonisation est à faire des positions est à taire, aussi bien entre le Mali et l'Algérie, entre l'Alliance pour la Démocratie et le Changement et le Mouvement Nord-Mali pour le Changement.

Si le Mali et l'Algérie sont d'accord pour que la paix revienne, ils ne semblent pas avoir la même compréhension du phénomène. L'Algérie mate ses islamistes. L'Algérie traque ses factieux. La même Algérie offre, pourtant le couvert et le gîte aux bandes séditieuses qui s'attaquent à la souveraineté du Mali. A partir de l'Algérie, justement. Il n’y a pas deux formes de terrorismes. Il n’y a pas de différence entre les agissements des salafistes et ceux de Bahanga : tous posent des bombes quand il ne s'agit pas de mines, tous s'attaquent aux civils innocents, tous enlèvent et font des otages qui sont des moyens de pression et de négociation... Nous n'avons assurément pas la même compréhension.

La même incompréhension existe entre l'ADC et le Mouvement Nord Mali pour le Changement. Le deuxième est une dissidence de l'ADC. L'ADC étant un ensemble plus homogène et apparemment plus représentatif que le MNMC que dirige Bahanga. Apparemment, Bahanga mène un combat sans " légitimité ", au vu de la désapprobation dont il est l'objet dans la région de Kidal. Il ne parle en tout cas pas au nom de la nomenklatura locale connue : la famille de Installa...

Aujourd'hui, le retour à l'Accord d'Alger suppose de la part de Bahanga la reconnaissance de facto de la suprématie et de la légitimité de l'ADC. L'ADC étant dans le dialogue institutionnel avec le Gouvernement malien et le médiateur algérien. Mais quand on sait que la réalité sociologique de la région de Kidal est faite de strates, il y a à être prudent. La même analyse est possible sur " la libération inconditionnelle des otages ". Libération ? Libération inconditionnelle ?

Il ne faut pas être d'une certaine naïveté pour se rendre compte que Bahanga n'est pas un enfant de cœur qui va accepter de " libérer " ses prisonniers sans contrepartie. Il avait un moment " exigé " le retrait de l'Armée du Nord. Il avait aussi demandé une rançon dont le montant n'a pas été signifié. A supposer que Bahanga n'ait pas eu de satisfaction sur la totalité de ces points, il est loisible de comprendre qu'il va chercher à sauver sa tête. Au moins. Quelles sont les garanties contre lesquelles il va libérer ses prisonniers ? Quel sera le sort de la troupe de Bahanga ?

Dans le discours de tous les officiels, il est reconnu que les otages ont été " dispersés " sinon " disséminés " dans le Sahara. Dans combien de temps et suivant quel scénario, ces soldats qui ont été pris sans avoir eu à tirer la moindre salve vont être libres ?

Source: Info Matin

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