dimanche 18 novembre 2007

Expulsé de Paris: Mamadou Kéita raconte sa mésaventure

Vivre avec ou sans papier en Europe, précisément à Paris, relève du parcours de combattant. Mamadou Kéita, expulsé en avril dernier après 14 ans de présence dans la capitale française, l’enseigne même à ses pires ennemis : « Ce n’est pas une vie, Paris, rien que de la galère ! ».

Mamadou Kéita s’est rendu à Paris le 29 avril 1991 avec un visa touriste de 3 mois. A l’expiration de cette « grâce », il rentre dans la clandestinité. Commence alors pour lui, une vie de calvaire et la fin d’une illusion. « D’octobre 1992 à 2005, je n’avais pas de papier et je vivais à Paris IV. Ce n’est vraiment pas évident. Le problème est que le jeune Africain, surtout Malien, est trompé par l’apparence. Les mecs qui viennent d’Europe pour faire la bamboula ici ne sont pas forcément dans les meilleures conditions là-bas. Allez-y voir ! »

Ce jeune Malien qui en a vu de toutes les couleurs ne cache pas son amertume. « Tu ne peux pas vivre en Europe aujourd’hui sans un titre de séjour, du travail et un logement. Ils sont nombreux ces mecs qui n’ont pas de boulot et qui cherchent 200 F CFA pour manger. Il y en a qui passent toute la nuit, assis, dans les foyers parce qu’ils n’ont pas où dormir », témoigne-t-il.

« Je dormais, renchérit-il, dans un foyer où séjournent beaucoup de jeunes Ivoiriens, Sénégalais et Maliens sans papiers. A la cantine du foyer, c’est un spectacle désolant, on nettoie la table pour dormir là-dessus. Si tu ne trouves pas de table, tu te couches à terre ou à défaut tu dors dans les transports publics. Sinon, tu crèves ».

Muni de faux papiers, Mamadou est arrivé, à force de persévérance, à se faire une petite place qui lui permettait d’envoyer un peu d’argent à sa famille et de s’occuper de sa personne. « J’ai travaillé d’abord dans la confection prêts-à-porter avec des Chinois. Ensuite, je me suis retrouvé dans une société - Jour de fêtes événements - pendant 4 ans avant de m’engager dans la restauration après une formation de six mois ».

Marque indélébile

Kéita exerçait ce travail la peur au ventre. Et il y avait de quoi. Car, dira-t-il, « quand j’ai eu affaire à la police, j’ai été clair de dire que sans une fausse carte de séjour, je vais voler ou faire le délinquant. Mais croyez-moi faux papier ou sans papier, ce n’est pas évident. Un sans papier, on te prend pour t’amener en garde-à-vue, on te donne du pain qu’un chien n’oserait même pas renifler. C’est la galère ! »

C’est pourquoi d’ailleurs, il conseille à ses concitoyens de réfléchir par deux fois avant d’emprunter le chemin de l’immigration. « Quand je vois aujourd’hui des mecs qui sont expulsés tous les jours de Paris et qui pensent toujours y retourner, à défaut de trouver du boulot ici, ça m’écœure. Franchement, je ne peux pas dépenser un, deux ou trois millions pour retourner vivre dans les mêmes conditions infra-humaines. Ce n’est pas une vie », reconnaît-il.

La vie de ce jeune homme est hantée par les mauvais souvenirs de Paris dont il n’est pas prêt d’oublier de sitôt. « Comment oublier les 29 jours que j’ai passés au centre de rétention comme un mouton. Comment oublier mes conditions de rapatriement : attaché, escorté par 4 policiers. Jamais ! »

Depuis son expulsion musclée en avril 2007, Mamadou Kéita, toujours en chômage, s’est lancé dans le combat associatif pour l’accueil et la réinsertion des expulsés. Il est le secrétaire général de l’Association malienne des expulsés (AME).

Source : Les echos

Aucun commentaire: