lundi 3 décembre 2007

Corruption et délinquance financière: Un mal pire que le Sida

Le Sida aux quelques individus, la corruption dessine tout un peuple. La lutte contre la corruption est l’un des piliers de la bonne gouvernance. ATT en a-t-il conscience ? Lors de la rentrée des cours et tribunaux le Président de la République, Amadou Toumani Touré a déclaré que seuls les menus fretins sont pris et que les gros poissons passent entre les mailles du filet. C’est un air déjà entendu, et qui commence à lasser tout le monde.

Chaque année, en effet, le thème de la rentrée judiciaire est consacré à la lutte contre la corruption et la délinquance financière. Para-doxalement chaque année aussi le mal ne fait que s’amplifier. ATT lui-même a dit qu’il y a plus de 900 dossiers qui ont été déposés sur sa table. En tant que premier magistrat du pays, qu’il en vienne lui-même à se décharger sur la justice dénote un manque de volonté politique à laver contre un fléau qui s’est installé comme une véritable gangrène.

On peut interpréter la déclaration présidentielle, à savoir que non seulement les magistrats ne font pas leur travail mais qu’en plus ils nagent au sommet de la corruption. C’est une thèse déjà avancée par Me Fanta Sylla qui, alors bâtonnier de l’ordre des avocats, avait dénoncé «l’argent sale du juge». Si tant est que le poisson pourrit par la tête et que la pintade suit la nuque de celle qui la précède, cela n’absout nullement ATT qui, le premier, doit plonger au plus fort de la lutte contre la corruption.

Au lieu de cela, on a à faire à un président au comportement ambi-gu, qui se contente de faire des déclarations à l’emporte-pièce destinées plutôt à amuser la galerie pendant que les fossoyeurs de l’économie nationale continuent à sévir en toute impunité. Alors de deux choses l’une : ou ATT avoue son impuissance à lutter contre le fléau ou il protège les prédateurs. L’opinion a encore en mémoire la triste affaire Me Abdoulaye Garba Tapo.

Jusqu’à présent personne n’a compris que le président veuille relever un ministre, de surcroît Mopticien bon teint comme lui, qui voulait nettoyer les écuries d’Aujias. On ne change pas un homme qui gagne. Ce frisant il a agi comme Ponce Filate qui, à la demande des juifs, a libéré le brigand Barrabas et emprisonné un homme juste, le messie de Nazareth. Paradoxalement, il a reconduit à son poste un autre ministre qui a bouffé 11 millions de F Cfa rien que dans l’achat de thé. Ahmed Diane Séméga est-il plus boulimique que les Nars de Mauritanie ?

En tout cas même, Bacchus et Dyonisos n’ont pas bu autant de vin ! Même s’il n’a pu vaincre le fléau le général Moussa Traoré, quoi qu’on pense de lui, avait mis au centre de ses préoccupations, la lutte contre la corruption. A cet effet, il avait mis sur pied une commission nationale de lutte contre la corruption et l’enrichissement illicite. Pour 10 millions de francs détournés, le délinquant écopait de la peine capitale. Moussa n’eut pas peur de demander des comptes à ses premiers compagnons, notamment le tristement célèbre «bande des trois» composée de Kissima Doukara, Tiécoro Bagayogo et Karim Dembélé.

Ce qui motiva leur arrestation le 28 février 1978 pour complot contre la sûreté intérieure de l’Etat. Que sont devenues toutes ces bonnes dispositions aujourd’hui ? On constate tristement que la corruption rode à tous les coins de rue et qu’elle est pire que le Sida. Car si le mal du siècle tue quelques individus, la corruption tue à petit feu un peuple tout entier. Aujourd’hui, malgré les différents rapports déposés par les différentes structures de contrôle, aucun délinquant notoire n’est sous les verrous.

L’an dernier, selon le Vérificateur général, 15 milliards de nos francs ont été dilapidés par les différents services de l’administration. Quand va s’arrêter le massacre ? Pires tous les gros poissons qui ont été pris dans le cadre de l’affaire des exos ont été relâchés. D’une certaine façon ATT a raison de dire que seuls les gros poissons passent entre les mailles du filet. Justement le règne de l’impunité à tous les niveaux encourage les délinquants à persévérer dans leur sale besogne.

Ces multiples détournements de fonds sont le fruit de la corruption, du népotisme, du manque de résultat, de la médiocrité, des promesses non tenues, du mensonge, de la délation, de la gabegie et du favoritisme. A elle seule, l’impunité fait vivre et prospérer tous les maux dont souffre le Mali d’aujourd’hui. Elle est même devenue un mode de gestion. ATT lui-même n’ignore pas que, dans cette affaire, il est mouillé jusqu’au cou. Le Président de la République est bien placé pour savoir que pour mener à bien leurs activités sordides, tous ces criminels en col blanc invoquent son nom, le nom de sa femme et ceux de ses proches.

L’ampleur du crime commis se mesure à la densité du réseau des intervenants et à leur position dans la hiérarchie. Dans un discours prononcé lors de la rentrée judiciaire, le bâtonnier de l’ordre des avocats du Mali a déclaré que la lutte contre la corruption doit être une priorité réelle et non un simple effet de mode. Elle doit même être considéré comme le pilier de la bonne gouvernance. Surtout dans un pays où l’on ne fait que gérer la rareté, où le panier de la ménagère présente un trou béant, où les besoins sont pressants et nombreux.

Il est triste de constater que plus de quinze ans après la révolution, on est toujours à la recherche du «Kokadjè» faute de réelle volonté politique chez les plus hautes autorités du pays, partout les prédateurs ont pignon sur rue. Ils sévissent comme des criquets pèlerins. On continue toujours de laver ocre. Pire, comme dirait feu le doyen Boubacar Kéïta, on vit toujours dans la République des escrocs et des voleurs.

Source:Le Républicain

Aucun commentaire: