jeudi 10 avril 2008

FLAMBEE DES PRIX Les Maliens, ex-consommateurs de viande

Dans l’atmosphère de flambée générale, le prix de la viande s’est envolé à tel point qu’elle n’est plus consommée que par une infime minorité de Maliens. Le paradoxe est patent dans un pays à vocation agropastorale, où l’élevage constitue l’une des principales activités. Où sont passés les autorités et le PDES ?

« Combien coûte le kilo de la viande chez vous ici ? Bien que la Côte d’Ivoire ne soit pas un pays d’élevage mais plutôt importateur de bétail du Mali, le kilo de la viande sans os coûte 1000 F CFA chez nous. Ah pauvres Maliens ! », ironisait récemment un ressortissant de la Côte d’Ivoire à la suite de nos commentaires sur la cherté des denrées au Mali.

Cette moquerie peut faire mal si l’on s’en tient à la logique que le Mali a toutes les potentialités pour ne pas être sevré de cette denrée précieuse. Mais force est de reconnaître qu’elle est tout de même conforme à la réalité. Depuis quelque temps, les Maliens ont appris aux dépens de leurs bourses la hausse vertigineuse du prix de la viande.

Après la crise d’il y a quelques mois, les autorités étaient pourtant montées au créneau pour assurer les uns et les autres sur la spéculation. Un ouf de soulagement avait alors balayé tout le pays, surtout à Bamako. Mais c’était sans compter sur la poudre qui guettait les yeux des citoyens. Et ce qui devait arriver arriva : le kilo de la viande avec os est cédé à 1500 F CFA et celui de la viande sans os à 1800 F CFA. C’est à prendre ou à laisser.

Jadis consommée par la plus grande majorité des populations, aujourd’hui, la viande est absente du panier de la ménagère. Avec l’effritement continu du maigre pouvoir d’achat des Maliens, elle est devenue une denrée de luxe.

« La viande ne fait plus partie de nos condiments malgré l’affliction et le dommage que cela nous causent. Nous nous efforçons d’acheter les autres condiments pour ne pas mourir de faim. Les enfants ont toujours du mal à s’en passer. Mais que faire face à cette montée inédite dans la mesure où l’on continue de dire que tout va bien ? », s’apitoie F. C., une ménagère.

Les Maliens ne savent plus à quel saint se vouer et « nous continuons de souffrir ». En plus du calvaire quotidien, la célébration de fêtes religieuses comme le Maouloud a été affectée par la hausse des prix du bœuf.

L’exportation en cause
« Autrefois, lors des fêtes de Maouloud, mes voisins venaient me donner une grande quantité de viande, mais cette année je n’ai rien reçu. Tellement que j’étais habituée à en avoir, je me suis déplacée pour le leur demander. Ils m’ont simplement répondu que le viande était inaccessible maintenant », nous confie, une ex-consommatrice de viande. D’ailleurs, selon des témoignages, de nombreux travailleurs ont dérogé à la règle à Maouloud en n’abattant pas de bœufs comme ils en avaient l’habitude.

Les explications de bouchers sont tout aussi éloquentes. « Les clients ne se bousculent plus devant nos commerces. Souvent, nous rentrons bredouilles à la maison sans bénéfice conséquent. Nous congelons maintenant la plus grande de la viande, mais à force d’être congelée, elle perd en poids et n’est plus en état d’être achetée par les clients », regrette Mari Traoré, chevillard au marché de Lafiabougou.

Interrogés sur les causes de cette flambée, les uns et les autres mettent en cause la politique d’élevage des autorités. « Le Mali entretient des millions de bêtes par an. Où partent-elles ? Pourquoi les exporter si nous devons en souffrir après ? Nous avions pourtant averti les autorités qui avaient promis de prendre des mesures diligentes », s’indigne un membre du syndicat de bouchers.

S’agissant des dispositions à prendre, un consommateur ne digère pas le fait que la dernière crise de la viande n’ait pas servi de leçon aux autorités pour d’abord « prioriser » les Maliens. Car, argue-t-il, cette cherté qui, n’est pas irrémédiable pour un pays agropastoral, trouve sa source dans l’exportation « abusive » de bétails.

Sur le marché, c’est la ruée vers le poison fumé et autres. Bon appétit ex-consommateurs de viande !

Source:Les Echos

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